DESCRIPTION DU PAPIER 1. FABRICATION MANUELLE ET FABRICATION MÉCANIQUE Pour pouvoir constituer le papier, les matières premières doivent être préalablement réduites en pâte homogène comportant surtout des fibres cellulosiques, dont le millimètre représente l'unité de grandeur. Les premières pâtes étaient mécaniques; la chiffe, d'abord triée, battue, déchiquetée, est longuement malaxée dans des piles, où l'eau claire est renouvelée à mesure, pour que la pâte soit bien lavée. Quelques moulins ont conservé les méthodes traditionnelles, ainsi le Moulin Richard de Bas, d'Ambert en Auvergne, où le papier se fait comme au Moyen Âge. Le papier de chiffon fabriqué en usine subit des traitements un peu différents, la pâte étant cuite pendant plusieurs heures dans une solution de carbonate de soude. Les pâtes fabriquées avec d'autres substances que la chiffe peuvent être mécaniques ou chimiques. La pâte végétale mécanique date de 1843; le bois est d'abord broyé dans des défibreurs ou des désintégrateurs, ce qui donne une première pâte très liquide, qui est successivement lavée, filtrée et éventuellement blanchie. La pâte mécanique n'est généralement pas utilisée seule car elle présente le défaut de mal vieillir, jaunissant et se casant après quelques années. Les pâtes chimiques résultent d'une opération de séparation qui permet de conserver la cellulose et d'éliminer les autres substances, comme la lignine, en les dissolvant. Elles présentent de ce fait une ressemblance plus grande avec le papier de chiffon et plus de résistance que le papier de pâte mécanique; elles n'ont cependant pas un haut rendement. On utilise principalement, pour dissocier les constituants végétaux, Y anhydride sulfureux ( procédé au bisulfite ) et la soude ( procédé au sulfate ) qui agissent sur des copeaux assez fins. Les préparations mécaniques et chimiques de la pâte ont été mélangées pour améliorer le rendement. Les pâtes mécaniques et chimiques sont très souvent blanchies avec des oxydants ( eau de Javel, eau oxygénée, par exemple ) ou des réducteurs ( hydrosulfite de sodium ). Une fois la pâte obtenue, on peut passer au stade de la fabrication proprement dite. Celle-ci - manuelle ou mécanique - vise à mettre "en feuille" les particules fibreuses en suspension dans une assez grande quantité d'eau. Pour cela, il faut étendre la pâte sur un lit en treillis métallique ou plastique qui retient les fibres et laisse partir une grande partie de l'eau. Dans les méthodes manuelles traditionnelles, l'ouvrier plonge sa forme dans la cuve remplie de pâte. La forme est un cadre de bois tendu en fils de laiton - les vergeures - reposant elles-mêmes sur des fils perpendiculaires, les pontuseaux. Un second cadre en bois permet de retenir la pâte, la couverte. Sur le tamis inférieur peut être fixé un filigrane*, dessin en fil de laiton fixé sur les vergeures. La pâte recueillie constitue, dès ce moment, une feuille, encore très humide, qui prend le dessin des vergeures, des pontuseaux et éventuellement du filigrane. Les marques de vergeures donneront le papier vergé, celles du filigrane, le papier filigrané. Ces marques proviennent de la moindre épaisseur de la pâte à l'endroit des fils. Cependant, l'ouvrier - Vouvreur - a relevé sa forme et la secoue légèrement à droite et à gauche pour que la feuille se fasse et évacuer l'eau superflue. L'ouvreur passe alors la forme au coucheur, lequel dépose la feuille, très informe encore, sur un feutre, un autre feutre recouvrant la feuille. On superpose ainsi cent feuilles entre leurs feutres pour former une pile qu'on appelle porse. La porse est ensuite passée sous presse qui exprime l'eau, jusqu'à diminuer la hauteur de la pile des deux tiers. La feuille de papier va naître lorsqu'on va séparer une à une chaque pâte formée de son feutre protecteur et l'étendre au moyen d'un instrument en bois, le ferlet, pour le séchage. La fabrication mécanique n'est au fond qu'une systématisation de la technique ancienne. La pâte venant des piles ou des raffïneurs est préparée dans des cuviers, comportant une hélice intérieure qui maintient l'homogénéité de celle-ci. Après épuration, la pâte est versée dans une caisse d'arrivée ( ou caisse de tête ), puis déversée d'une manière régulière par des fentes espacées sur toute la largeur de la table de fabrication; celle-ci comporte une toile sans fin en fils de cuivre, de bronze ou de nylon. La table peut avoir une longeur de plusieurs mètres ou de plusieurs dizaines de mètres, selon les modèles, et se déroule à la vitesse de 150 à 650 mètres à la minute. L'égouttage de la pâte sur la toile est activé par des caisses aspirantes ou par des rouleaux égoutteurs puis par la presse manchon ou presse humide, constituée par deux rouleaux, ou encore par un cylindre aspirant. Après être passée sur la table de fabrication, la pâte est encore très humide; elle passe alors sous plusieurs presses, comportant des rouleaux de feutre, les coucheurs ou des rouleaux lisses destinés à effacer les marques laissées par la toile. Après ce passage sous les presses, le papier est formé mais conserve encore de 60 % à 65 % d'eau, proportion qu'il faut ramener à celle de 5 à 10 %. La sécherie est une suite de rouleaux, chauffés intérieurement et aidés par des souffleries. La feuille est ensuite traitée, si l'on veut lui donner un aspect différent de celui qu'elle a au sortir de la machine et que l'on nomme brut de machine; la lisse permet d'obtenir ainsi un papier plus ou moins apprêté. Enfin, la feuille est enroulée en bobines, lesquelles sont ensuite façonnées selon le format désiré. 2. LES CARACTÈRES DU PAPIER A. CARACTÈRES PHYSIQUES 1. LES DEUX CÔTÉS Un papier a toujours deux côtés correspondant, l'un au tamis ou à la toile sur lesquels la pâte est étalée, l'autre au feutre qui a écrasé cette pâte et que l'on nomme précisemment côté toile et côtéJeutre, le premier étant le verso du papier, le second le recto. Sur les papiers non apprêtés les deux côtés ressortent nettement; on distingue les marques du treillis en creux qui peuvent être plus ou moins régulières et importantes. Le recto peut présenter, lui, un grain en relief plus ou moins fin dû aux irrégularités du feutre et, également, les reliefs résultant des marques des vergeures pour les papiers assez minces. Sur le papier apprêté ces marques peuvent avoir disparu par la suite du lissage ou avoir été modifiées par un gaufrage mécanique. Cependant, le papier le plus lisse sur ses deux côtés conserve ces différences que l'on peut retrouver en mouillant la feuille. Les deux faces peuvent être également d'une teinte différente. Il est conseillé d'essayer le papier dont les deux faces sont apparemment semblables, car les réactions peuvent être très opposées. 2. LE SENS Celui-ci concerne uniquement le papier fabriqué à la machine. La pâte ne s'étale pas sur la table de fabrication d'une manière uniforme car la vitesse du tapis imprime aux fibres cellulosiques la direction du sens de la machine. Ce sens macchine est donc très différent du sens travers qui lui est perpendiculaire. Sur les papiers vergés, il est facile de reconnaître ce sens, les vergeures étant en effet dirigées en sens travers; les marques des chaînettes ( pontuseaux de la forme manuelle ) qui ont entre elles un espacement plus grand ( 2,5 cm environ ) indiquent le sens de fabrication; d'autre part, si le etc. etc. (Dictionnaire technique de l'estampe, André Béguin)) |